Populariser la grève

Portraits de grévistes

Grève et occupation de l'usine Winckler

Ci-contre: Coopérative d’impressions nouvelles, «Notre lutte c’est aussi celle de la classe ouvrière», [Fribourg], [1978], offset, 58×39 cm. Fonds Florian Rochat, Aff 250.

On peut noter le slogan inscrit sur la banderole, qui rappelle le slogan autogestionnaire de la grève des usines horlogères LIP: «C’est possible, on fabrique, on vend, on se paie.» La grève LIP a pris fin une année avant le début de celle des usines Winckler de Marly (FR).

L'histoire de la grève (cliquer pour dérouler)

La grève à l’usine Winckler à Marly (Fribourg) s’est déroulée durant l’été 1978. L’entreprise Winckler est une grande menuiserie du bâtiment (charpentes, portes, fenêtres) de la région fribourgeoise. Elle est en faillite depuis 1976, mais la production se poursuit. Les travailleurs cessent d’être payés durant l’été 1978 alors que le carnet de commande de l’entreprise est plein. Il s’avère rapidement qu’une partie des versements aux caisses d’assurance sociales ont été détournés au profit des patrons.

Les travailleurs se mettent en grève au retour des vacances 1978 et, devant la situation financière catastrophique de l’entreprise, ils décident d’occuper le site et de séquestrer des marchandises (portes, fenêtres, notamment).

La marchandise séquestrée est bientôt vendue par les grévistes pour financer les salaires qui ne leur ont pas été payés.

De nombreuses actions de solidarité sont entreprises sous l’égide du Groupe d’action syndicale (GAS) de Fribourg. Elles sont relatées, ainsi que la chronologie de la grève, dans le journal Lutte ouvrière entre septembre 1978 et janvier 1979.

Il faut noter que le scénario de la grève à l’usine Winckler de Marly est typique de la seconde moitié des années 1970. Les occupations d’usine dans le cadre de procédures de faillites se multiplient à cette époque: Sarcem à Meyrin (affiches ci-dessous, 1976), Technicairà Vernier (1978), les Ateliers du Nord à Lausanne et donc Winckler  Fribourg.

Plusieurs récits des soirées de soutien à la grève Winckler font mention d’un film que nous n’avons pas été en mesure de retrouver.

 Ci-dessus, deux variantes de l’affiche réalisée par le Collectif Chant continu en soutien aux trois mois d’occupation de l’entreprise SARCEM à Meyrin (Genève, 1976)

Une photographie classique (cliquer pour dérouler)

La photographie retenue pour l’affiche est un classique de la photo de grève: un groupe de grévistes pose devant le portail de l’usine.Ils sont ici accompagnés  d’enfants. Ces portraits de groupes figurent à la fois la détermination des grévistes, le caractère unitaire de la lutte et la position caractéristique de la grève à la frontière entre intérieur et extérieur du lieu de travail.

On verra une autre occurrence de ce motif sur cette affiche en soutien aux grévistes de la fabrique de matériel de chemin de fer Matisa.

Une version inversée du même motif (on voit  les grévistes de dos) est visible sur cette affiche de soutien à la grève des travailleuses et travailleurs de la Tribune de Genève.

Une imprimerie coopérative (cliquer pour dérouler)

On peut noter, tout en bas de l’affiche, une mention selon laquelle cette affiche «est offerte en signe de solidarité par la Coopérative d’Impressions Nouvelles».

Cettte imprimerie coopérative, située au Mont sur Lausanne, a produit de nombreux imprimés militants dans les années 1970-1980: brochures, journaux, livres et bien entendu affiches.

Une décennie de grèves, une décennie d’affiches

Dès 1970, avec des grèves au Tessin et la grève sur les chantiers genevois de l’entreprise Murer, s’amorce un cycle de contestations ouvrières qui dure une décennie. Les arrêts de travail sont alors plus nombreux que dans les périodes précédentes et suivantes. Surtout, les grèves s’organisent en dehors du cadre syndical – on les appelle des grèves sauvages – et contre la paix du travail.

Ces mouvements sont relayés en dehors des usines par des groupes constitués pour l’occasion (groupes de soutien à la grève) ou par des groupes plus durables qui se donnent comme mission de soutenir les grévistes et de faire connaître les mouvements, une fonction que les syndicats rechignent souvent à assumer, par peur de se trouver hors du cadre des conventions collectives.

Ce surgissement du conflit du travail dans l’espace public, cette présence ouvrière hors  de l’usine, s’appuie sur une production de documents destinés à expliquer les circonstances et les objectifs des grèves: journaux de grève, films, brochures et souvent affiches…

On notera, s’agissant des techniques de reproduction, que les affiches de grèves sont plus souvent tirées en offset qu’en sérigraphie. Les imprimeries liées au Parti du travail (Imprimerie coopérative à Genève) ou à la Ligue marxiste révolutionnaire (CEDIPS) ou encore aux groupes maoïstes (Coopérative d’impressions nouvelles) sont sollicitées pour ces tirages.

Productions graphiques des typographes en grève

L’industrie genevoise des arts graphiques (imprimerie, reliure, etc.) est un des secteurs qui connaît une importante mobilisation des travailleurs dans la décennie 1970-1980, mobilisation qui se prolonge dans les années 1990.

La fin des années 1960 correspond, dans les arts graphiques, à une nouvelle période d’introduction massive et rapide d’innovations techniques. Une première séquence de même nature a eu lieu au début du vingtième siècle, avec l’introduction des presses mécaniques et des machines à fondre des lignes de texte.

Cette mécanisation et l’intensification du travail qu’elle engendre entraînent des luttes sociales et des luttes d’orientation stratégique au sein des syndicats des arts graphiques. Ces luttes s’accompagnent de diverses productions graphiques. On peut voir ci-dessous une affiche appelant à un meeting-fête de soutien aux «travailleurs de l’imprimerie en lutte», une affiche appelant à une manifestation de soutien aux grévistes de la Tribune de Genève, et deux pages d’un journal détournant le contenu et les titres de trois quotidiens genevois .

cliquer sur une vignette pour visiter la galerie et voir les images en GRAND FORMAT. Pour voir les légendes survoler l’image avec la souris.

[dmg_masonry_gallery _builder_version= »4.7.4″ _module_preset= »default » gallery= »454,452,453,451″ gutter= »0″ hover_enabled= »0″ sticky_enabled= »0″ overlay_caption_size= »13px »][/dmg_masonry_gallery]

La grève, ce n’est pas que dans les usines

Ci-dessous une affiche appelant à une assemblée de solidarité avec une grève des loyers initiées par les locataires d’Onex, du Lignon et des Avanchets, « après plus d’une année de lutte et dans l’impossibilité de se faire entendre par d’autres voies ».

La grève des loyers est une modalité d’action peu utilisée en Suisse romande dans la seconde moitié du XXe siècle. La grève qui touche trois cités périphériques genevoises (Onex, Avanchets, Lignon) est, à notre connaissance, unique.

Sur cette grève, on peut lire:

Pour en savoir plus

  • Frédéric Deshusses, Grèves et contestations ouvrières en Suisse 1969-1979, Archives contestataires, éd. d’en bas, 2014.
  • Nelly Valsangiacomo, Alain Clavien, Charles Heimberg, Des grèves au pays de la paix du travail: Cahiers d’histoire du mouvement ouvrier, vol. 28, 2012.